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Entrepreunariat | 31 Mai 2022

Vers une finance plus inclusive

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SINGA était l’invité de la cinquième édition de Change NOW qui s’ouvrait la semaine dernière au Grand Palais éphémère à Paris. L’occasion pour Guillaume Capelle, co-fondateur de SINGA de présenter notre vision d’une finance inclusive des entrepreneur.e.s issu.e.s de la migration, et d’une finance au service de l’inclusion des nouveaux arrivants…

La guerre en Ukraine marque un nouveau chapitre dans l’histoire récente des migrations, qui s’ajoute aux facteurs qui ont intensifié les flux migratoires depuis plus de 30 ans (accélération du réchauffement climatique et de l’instabilité politique, remise en cause de l’intangibilité des frontières, inégalités économiques croissantes…). Penses-tu que nous sommes aujourd’hui capable d’y faire face ?

Oui, si nous changeons de logiciel ! D’abord, il faut redéfinir ce “nous” : la migration est une manière pour l’humanité de “faire face” aux persécutions, aux conflits et à la dégradation de son environnement ; “nous” bougeons depuis toujours et particulièrement dans des phases de bouleversements climatiques et sociaux.

Dans les sociétés d’installation, un “nous” est également en mouvement pour accueillir, rencontrer, transmettre, apprendre et co-construire au contact des nouveaux arrivants. Alors un nouveau “nous” se forge dans la rencontre. C’est un nous citoyen, interactif et tourné vers l’avenir.

Ce n’est pas un “nous” conceptuel, une identité nationale figée, à distance des “flux migratoires” mais un nous bien réel qui nécessite du travail en continu. Le problème aujourd’hui, c’est que ces efforts ne sont pas valorisés financièrement. On ne s’achète pas une maison en faisant preuve d’adaptation en arrivant ou d’hospitalité en accueillant. Ce serait même plutôt l’inverse.

En investissant dans l’inclusion des migrants en Europe, je souhaite aussi contribuer à un changement de paradigme sur la création de richesse : nos sociétés ont besoin qu’on devienne riche en préservant le vivant et en créant des communs.

Aux Etats-Unis, 16% des brevets sont déposés par des étrangers et 40% des grandes entreprises ont été fondées par une personne immigrée ou ses enfants (y compris Apple, Google, Ebay ou encore Tesla). Pourquoi percevons-nous encore ces profils comme étant “à risque” ?

Il faut relativiser les chiffres américains. La mobilité sociale n’est pas aussi évidente qu’elle n’en à l’air. Si tout va bien pour un étudiant Sud Africain, comme Elon Musk, ça reste plus compliqué pour un réfugié vénézuélien ou un immigré hors de l’OCDE, en particulier s’il s’agit d’une femme ou d’une minorité ethnique.

Mais l’Europe a effectivement du boulot ! Si nous observons que les migrants ont une forte propension à entreprendre, voire innover (ils déposent énormément de brevets aux Pays-bas et en Allemagne), ils n’apparaissent pas encore sur la carte de l’investissement.

L’industrie peine à investir dans des projets portés par des étrangers car elle passe les fondateurs migrants par la même matrice du risque que les autres. Pourtant, ils se distinguent à bien des égards : ils affrontent des administrations publiques et privées, ils apprennent une nouvelle langue et de nouveaux codes culturels, ils construisent leur réseau local à partir de rien, leur légitimité (leur diplôme méconnu) est constamment mise à mal et ils manquent de capital financier initial.

Le côté recto de la médaille, c’est que bon nombre d’entrepreneurs migrants sont résiliants. Ils n’ont pas peur de prendre des risques. Ils font le pont entre plusieurs cultures. Ils adressent un plus grand marché. Ils savent naviguer dans la complexité. Ils apprennent l’humilité et savent gérer avec des budgets serrés.

SINGA fête cette année ses 10 ans, et semble tirer de ses apprentissages un nouveau projet… Peux-tu nous parler du fond d’investissement que tu es en train de créer et en quoi il te paraît indispensable pour répondre aux enjeux de demain ?

Je souhaite créer le premier fond européen dédié aux entrepreneurs migrants. Pourquoi ? Parce que la finance doit être au service des plus grands défis de ce siècle. Selon le Refugee Investment Network, investir de manière inclusive, c’est répondre à 13 des 17 objectifs du développement durable. Des études du Boston Consulting Group ou encore de l’OCDE révèlent que c’est également une source d’innovation et de forte création d’emplois.

Enfin, je crois que pour assurer une transition juste, nous avons besoin de plus de diversité parmi les entrepreneurs qui bénéficient d’un accès à l’investissement. Cela permet de renforcer la voix de communautés sous représentées, de révéler des nouveaux “role model” qui inspireront leur génération.

Nous allons avoir besoin de tous les talents disponibles pour innover dans une décennie qui s’annonce historique. Je pense que je peux aider l’Europe à se doter de la capacité de repérer et investir dans de nouveaux talents. Pour y parvenir, il faut qu’un Fonds voit le jour et prenne le lead sur des investissements qu’aucun autre ne tenterait.

Quelles sont les prochaines étapes de lancement de ce projet ?

C’est encore un peu tôt pour tout révéler. Il faudra attendre la rentrée pour les grandes annonces mais nous sommes très heureux des dernières avancées : d’excellents rendez-vous avec des LPs et des partenariats clés qui se nouent.

Nous sommes également en pleine constitution d’une équipe d’investissement ainsi que d’un “support technique” qui donneront un “unfair advantage” à nos entrepreneurs. En plus de l’investissement, ils bénéficieront d’accompagnement pour résoudre leurs problèmes juridiques, développer leurs équipes, faire avancer leurs produits, mesurer leur impact et trouver leur place dans les marchés.

La sélection du projet à ChangeNOW, avec 15 autres formidables Fonds à impact, est l’autre bonne nouvelle du mois de mai. Une très belle récompense pour le travail accompli par toute l’équipe et nos “advisors” qui travaillent dans l’ombre mais que j’aurais bientôt plaisir à vous présenter !

Maëlle Mezaber
Communication France