Maëlle Mezaber, Directrice Communication et Marketing de SINGA Global, a été invitée à partager la vision et les pratiques de communication de SINGA dans la 10ᵉ édition du Communicator, ouvrage de référence en stratégie et communication dirigé par Céline Mas. Dans un moment où la démocratie recule, où les discours populistes progressent et où les coupes budgétaires fragilisent les associations, sa tribune « Raconter ne suffit pas » rappelle les principes qui guident notre action : une communication qui part de la rencontre et se construit avec les personnes concernées. Découvrez ici sa tribune complète.
« Chez SINGA, nous croyons que la migration est une richesse pour nos sociétés. Chaque jour, nous œuvrons pour faire passer ce message et mettre en échec les discours simplistes, faits de contre-vérités et d’idées reçues. Mais comment diffuser cette vision dans un contexte où les discours populistes dominent et où la peur de l’autre est exploitée ? Pour réussir, il nous faut repenser notre manière de communiquer. Chez SINGA, nous faisons donc fait le choix d’une approche résolument humaine et collaborative.
Notre communication repose sur un dialogue constant avec les personnes nouvelles arrivantes (réfugiées, en demande d’asile…). C’est dans la rencontre, l’échange, et l’écoute que nous puisons notre inspiration. Nous travaillons donc avec les personnes nouvelles arrivantes, et pas uniquement pour elles. Ce processus collaboratif garantit des messages justes, et des stratégies percutantes.
Les résultats confirment notre intuition : l’époque de la communication descendante touche à sa fin. Sur des sujets aussi complexes que celui de la migration, les audiences demandent autre chose : de l’échange, des espaces de dialogue et des dispositifs dans lesquels le public est acteur, et pas simple spectateur. Au cœur de notre plan de communication, il y a donc une nouvelle conception de la circulation de l’information, pour qu’elle soit plus fluide, interactive et participative.
Ce changement de paradigme, je crois, redéfinit le rôle même des communicants. Il n’est plus seulement question de “faire passer un message” mais d’impliquer activement les publics et de permettre leur participation à la construction d’une vision ou d’un projet commun. Plus que faire de la communication, nous voulons rendre possible le dialogue et, au bout du compte, la réconciliation.
SINGA est aujourd’hui présent dans 7 pays et 17 villes, et son ADN est profondément décentralisé. Nous concevons donc des plans de communication capables de s’adapter à la fois aux réalités locales et à une vision globale cohérente. Notre rôle est davantage celui d’un accompagnateur, ou d’une ressource, que d’un prescripteur. Chaque territoire a ses besoins et ses particularités, ce qui fait de l’ajustement de nos messages un véritable exercice d’équilibriste.
La technologie joue un rôle crucial dans ce processus, en nous permettant non seulement de diffuser nos récits, mais surtout d’écouter, de comprendre et d’ajuster nos stratégies en temps réel, afin de rester toujours en phase avec nos communautés.
Dans un environnement médiatique saturé et avec des moyens limités, la créativité devient notre meilleur atout. En tant qu’association, nous sommes souvent amenés à élaborer nos plans de communication avec des ressources limitées. Mais loin de nous freiner, je pense que cette contrainte stimule notre capacité à innover.
Notre campagne de sensibilisation au déclassement professionnel des personnes réfugiées, lancée en France en 2023, en est un bon exemple. Nous avons d’abord fait appel à des étudiants de Sup de Pub qui, dans le cadre de leur projet de master, ont proposé des idées fraîches. L’agence STRIKE, spécialisée dans des causes sociales et environnementales, a ensuite accepté de prendre le relai en développant les meilleurs concepts. Nous avons également mobilisé la communauté SINGA, en impliquant directement certains de ses membres dans les vidéos de la campagne.
L’originalité et la force de cette campagne ont attiré l’attention de grands acteurs comme JCDecaux et Facebook, qui se sont engagés à nos côtés en nous offrant un soutien pro bono. Ces collaborations inédites ont permis de transformer notre projet en une initiative d’envergure nationale, d’abord, puis européenne, touchant au total plus de 10 millions de personnes.
Chez SINGA, notre travail est de créer des ponts humains, des ponts d’idées. Le défi est de taille : nous ne pouvons pas nous contenter de véhiculer des messages, mais de mobiliser, et d’imposer de nouveaux récits – seuls véritables moteurs du changement collectif.
C’est cela, selon moi, une communication d’impact : non pas raconter l’histoire, mais contribuer activement à la réécrire, main dans la main avec celles et ceux qui la vivent. »
À PROPOS DE MAËLLE MEZABER
Maëlle Mezaber est Directrice Communication et Marketing chez SINGA Global, où elle développe des stratégies pour promouvoir l’inclusion des personnes nouvelles arrivantes dans 7 pays. Après avoir étudié les médias et cultures européennes en Allemagne, elle poursuit sa formation en communication et innovations sociétales en France, à Marseille. Elle a ensuite évolué dans des tiers-lieux et des startups à impact, avant de rejoindre SINGA. Son expérience dans ces différents environnements a renforcé sa capacité à mener des projets à engagement social, dans des contextes multiculturels.
À PROPOS DU COMMINICATOR
Le Communicator est un ouvrage de référence en stratégie, communication et influence, publié par Dunod et dirigé par Céline Mas. Véritable guide des professionnel·les du secteur, il réunit chaque année les contributions d’expert·es issu·es du monde des médias, des entreprises, des institutions et du milieu associatif. Cette 10ᵉ édition explore les nouveaux défis de la communication à impact, dans un monde marqué par la crise démocratique, la transition écologique et les mutations technologiques.
